2014-11-09

Le syndrome de Münchhausen


 

Pionniers ou very dangerous doctors ?




Le syndrome de Münchhausen par procuration  est le syndrome de prédilection, pour ne pas dire dévorant, de certains pédiatres. On l'appelle parfois "syndrome de Meadow", du nom de son inventeur, le Dr Roy Meadow. 
Le syndrome de Münchhausen "tout court" a été décrit en 1951 par le Dr R. Asher dans le British Medical Journal. Le Dr Meadow, en 1977, lui adjoignit le crucial "par procuration". 
Pourquoi "Münchhausen" ? C'est le nom d'un baron militaire qui s'inventait des exploits invraisemblables comme guerrier.

Le bûcher des sorcières
Au cours des règnes d'Elizabeth I et de Jacques 1er, dans l'Angleterre des 16è et 17è siècles, des lois furent promulguées contre la sorcellerie. Il en résulta la mise à mort d'environ soixante-dix mille sorcières. Toute soi-disant sorcière était poursuivie puis torturée jusqu'à ce qu'elle avoue ses méfaits. Après un procès sommaire à base de ouï-dire et de spéculations, elle était immanquablement condamnée à mort. 
Les sorcières étaient brûlées en masse. La dernière à l'être, Alice Molland, serait morte en 1685. 
De quelle sorte d'insanité s'agissait-il ? Les autorités étaient-elles ignorantes ou excessivement zélées ?
Plus grave : l'histoire se répéterait-elle ?



On parle de MSBP (Münchhausen syndrome by proxy) quand un parent (ou une nounou) fabrique, exagère ou induit des problèmes de santé chez l'enfant dont il/elle est chargé(e). Cette forme de simulation exercée sur un autre, donc "par procuration", doit être distinguée de la simulation effectuée sur soi-même.
Les troubles fictifs allégués visent à capter l'attention, à simuler un soin admirable, le leurre gisant au cœur de l'opération. Ce comportement insaisissable est une forme souvent mésestimée, potentiellement mortelle d'abus ou de négligence difficile à définir, détecter et confirmer.


Le MSBP suscita évidemment de violentes controverses. Au Royaume-Uni, les mères de plusieurs nourrissons morts subitement furent accusées sans vergogne, certaines ayant été conséquemment privées de leurs autres enfants ou même emprisonnées comme meurtrières... Tel fut le sort de la malheureuse Sally Clark, une avocate accusée d'avoir tué ses deux bébés (par étouffement) par le Dr Meadow qui se réclamait de statistiques (ineptement interprétées) pour donner du corps à son obsession : les morts au berceau sont souvent des bébés étouffés. 

Hormis le MSBP, qui ferait un millier de parents meurtriers par an, le Dr Roy Meadow s'illustra brillamment dans l'histoire de la médecine par son aberrant usage des statistiques. Un usage tellement en dépit du bon sens que le président de la Royal Statistical Society se fit un devoir d'écrire au Lord Chancelier, autrement dit  à l'un des plus importants hauts-fonctionnaires du gouvernement britannique, pour mettre les points sur les i.
C'était un fait sans précédent.





Avant cette rectification, Sally Clark passa trois ans en prison, y fut traitée comme une infanticide, ne s'en remit jamais et laissa rapidement un orphelin, son troisième enfant, né en prison.





Un autre pédiatre, le Dr David Southall, émule du Dr Meadow, regardait la TV un soir d'avril 2000. Channel 4 diffusait un Dispatch consacré à la mort subite du nourrisson. Stephen Clark, le mari de Sally (avocat comme elle), y était interviewé. Tel la foudre, le soupçon tomba sur le Dr Southall et l'éblouit, le vrai meurtrier était le père, pas la mère, il alerta la police, une enquête eut lieu...  Vainement mais douloureusement, surtout pour un très petit enfant déjà privé de mère.



Le Dr Southall n'en était pas à ses premières armes. Certes il ne cherchait qu'à sauver des enfants des griffes de parents dont il perçait la face cachée criminelle. En 1998, il avait ainsi accusé Mandy M, la mère d'un garçon de 10 ans retrouvé en semi-suspension en 1996, d'avoir tué son fils. Car, comme il était notoire que Lee était un enfant heureux, le suicide n'avait pas de sens. Restait l'assassinat.
Le pédiatre n’avait pas la moindre preuve pour étayer une si effrayante supposition. Mais il avait une solide expérience en matière de protection de l’enfance, l'estime de ses confrères et une idée fixe, un fléau à traquer et à abattre, la maltraitance.

Jamais le moindre doute n'effleura le Dr Southall. Lorsque le tribunal, fort d'éléments probants circonstanciels, le débouta de ses accusations contre Mandy M, il se prit pour Cassandre, vouée à prédire le vrai sans être jamais crue, image de la lucidité broyée par l'obscurantisme.

Le Dr Meadow et le Dr Southall eurent maille à partir avec le General Medical Council (GMC, l'ordre des médecins britannique), une épreuve qu'ils traversèrent en victimes... de l'ignorance et de parents abusifs.



En France, fort heureusement, les pédiatres sont infiniment plus nuancés en matière de MSBP.