Hypoxie, euphorie et érotisme :
mythe,
rite et réalité
Communication destinée au Premier Colloque International "Jeu du foulard et autres jeux d'évanouissement - pratiques, conséquences et prévention", organisé par l'APEAS, Ministère de la Santé, Paris - 3 et 4 décembre 2009
Le temps étant compté et le colloque ayant pris du retard, l'intervention s'est limitée à quelques points, évidemment décousus.
Ce texte est donc inédit, c'est un autre, plus court mais aussi sur l'hypoxiphilie, qui a été inclus dans les Actes du Colloque.
Le temps étant compté et le colloque ayant pris du retard, l'intervention s'est limitée à quelques points, évidemment décousus.
Ce texte est donc inédit, c'est un autre, plus court mais aussi sur l'hypoxiphilie, qui a été inclus dans les Actes du Colloque.
Nord de l'Europe à l'Âge du fer
Au printemps 1950, près de Tollund au Danemark, deux frères
découvrirent dans une tourbière le corps d'un homme d'une trentaine d'années.
Il était en si parfait état qu'ils appelèrent la police. Pourtant l'homme,
exceptionnellement conservé grâce à
l'acide humique (il fonctionne comme un tanin), était mort depuis
presque 2500 ans. La raison de sa mort apparut d'emblée évidente car il portait
encore autour du cou la corde qui avait servi à l'étrangler.
L’homme de Lindow, trouvé à côté de Liverpool (1984) a aussi une corde autour du cou.
Les yeux et la bouche de l'homme de Tollund sont fermés, ses traits
sont détendus, il a l'air de dormir. Il est dans une position semi-fœtale. Il n'a pas les mains
d'un travailleur manuel et l'état de ses pieds nus montre qu'il lui est arrivé
de se chausser. Il porte une sorte de calotte pointue en peau de mouton
attachée sous le menton par deux lanières de cuir de manière assez lâche pour
permettre à la calotte de glisser facilement sur le cou. Une des extrémités de
la ceinture de cuir qui entoure ses hanches passe par une fente ouverte dans
l'autre extrémité avant de former une boucle facile à défaire. L'homme n'a rien
d'autre sur le corps, rien en tout cas que le temps ait préservé, hormis la corde
de cuir tressé autour de son cou. Elle a laissé un sillon visible sur la peau,
la nuque n'est pas marquée, c'est là qu'était
le nœud.
Le contenu des viscères révéla que l'homme de Tollund, pour son dernier
repas, avait absorbé une trentaine de plantes ou de graines différentes, rien
que des végétaux.
Comment était mort cet homme ? Pourquoi a-t-il été enseveli nu ?
Exécution, assassinat ou sacrifice rituel ?
La première hypothèse est peu probable car le pendu n'a visiblement pas
été traité comme un criminel. On lui a fermé les yeux et la bouche, on l'a
couché dans la fosse de tourbe. Ces soins sont-ils l'indice d'un sacrifice
rituel, peut-être au dieu de la tourbière pourvoyeur de combustible ?
Tacite mentionne – quatre ou cinq siècles plus tard il est vrai – l'existence de sacrifices humains aux dieux
jumeaux Froh et Freia qui incarnent la fécondité et l'éternelle jouvence dans
la mythologie scandinave et que nous connaissons surtout grâce à l'Anneau du Nibelung de Richard Wagner. Mais
Tacite remarque aussi que les Germains goûtent si fortement les jeux de hasard
qu'après avoir joué tous leurs biens, ils finissent par se jouer eux-mêmes.
L'homme de Tollund s'est-il offert lui-même en sacrifice ?
La présence de ce corps dans la tourbière est inattendue : on sait que
les sociétés du début de l'Âge du fer incinéraient leurs morts.
L'idée que les dieux ne se satisfaisaient pas des restes calcinés des
victimes sacrificielles n'est peut-être pas purement spéculative, car à moins
de 100m de là, douze ans plus tôt, un fermier avait trouvé en bêchant le corps
d'une femme que l'on baptisa Elling et qui avait elle aussi un lien de cuir
autour du cou. La face antérieure était en trop piteux état pour déterminer, à
la fin des années 30, à quelle époque Elling avait vécu, une centaine d'années
après l'homme de Tollund.
Cette jeune femme d'une vingtaine d'années porte une ceinture de laine
tissée autour de la taille, sa coiffure est remarquable : une très longue tresse part du haut de la
tête et s'enroule plusieurs fois pour former des boucles. Son corps est couvert
d'une cape de cuir et une peau de vache enveloppe ses jambes. Le sillon qu'a
tracé la corde est visible sur la peau du cou.
En 2002 l'homme de Tollund et Elling ont été intensément examinés par
toutes sortes de savants. Les images fournies par les appareils de haute
technologie montrent que l'homme de Tollund n'a pas été d'abord étranglé. Il
était donc vivant quand la corde a été attachée autour de son cou, les
vertèbres cervicales sont intactes. L'hypothèse que sa propre main ait noué la
corde, avec ou sans intention de mettre fin à ses jours, n'a, semble-t-il, même
pas été envisagée.
Premières interrogations de la médecine légale
À Vienne, au début du XIXè, le professeur de médecine légale Joseph Bernt
(1770-1842) s'intéresse au cas étrange d'un homme trouvé pendu et nu, les mains
et les organes génitaux liés. Il interprète cette mort comme un suicide
attribué à une perturbation mentale. Il faudra attendre un siècle pour qu'un
autre expert, Ernst Ziemke (1867–1935), décrive ce type de décès comme accidentel, dû à la strangulation
auto-infligée en vue d'induire ou d'intensifier une excitation sexuelle.
Quelques années plus tard le docteur André Jean Gros choisit la pendaison pour
sujet de thèse. Bien qu'il reconnaisse ne pas avoir trouvé d'observation
explicite, en matière de pendaison pratiquée dans un but érotique, il en
suppose l'existence. Voici ce qu'il écrit :
Un sujet désirant ardemment éprouver des sensations voluptueuses se pend après avoir pris toutes les précautions pour cesser cette pendaison dès qu'il les aura éprouvées, il est surpris par la perte de connaissance et est incapable de se sauver seul lorsqu'il comprend trop tard qu'il est en danger...
"La pendaison accidentelle", Paris 1935
citation qui résume bien le comportement
hypoxiphile, quoique le sujet n'ait probablement même pas le temps de
"comprendre trop tard qu'il est en danger". La perte de conscience
est totale : pas question de se relever si les pieds touchent le sol, ni de
couper la corde si on est suspendu.
Remarquons que la question n'est pas posée de ce qui, dans la
pendaison, pourrait susciter des sensations "voluptueuses".
L'euphorie n'est pas non plus associée à la diminution de l'oxygénation du
cerveau. Aujourd'hui il n'en est plus ainsi et les modus operandi foisonnent,
tout vecteur de prédilection que soit la suspension : suffocation obtenue en
s'entourant la tête d'un sac en plastique, strangulation avec un lien,
inhalation de nitrites volatiles (poppers) ou de gaz
hilarant, compression du sternum ou de l'abdomen ou encore toute combinaison de
ces techniques -
À lire la presse à propos de la récente et embarrassante mort de l'acteur David Carradine, on se prend à penser que les médias en disent trop ou trop peu. D'un côté au mépris singulier de la vie privée est décrite une pendaison atypique et de l'autre, comme si de rien n'était, les journaux se font l'écho des dangers de ce qu'ils ont pris l'habitude d'appeler le "jeu du foulard". Que va croire le public finalement ? La strangulation est-elle ce que les enfants appellent un jeu ou est-elle une sorte de fétiche sexuel ?
À quoi ressemblent les
hypoxiphiles ?
On aimerait bien s'en faire une
représentation, ne serait-ce que pour un
certain confort mental. Malheureusement aucun profil caractéristique ne s'impose
: les deux genres sont concernés, l'hypoxiphilie est attestée, de manière plus
ou moins allusive, dans des cultures très différentes et se perd dans a nuit des temps, autrement dit existe depuis toujours. Le découverte, fortuite ou sur incitation, se situe
généralement dans la pré-adolescence (mais peut se produire plus tôt) et
n'aurait pas de dimension
sexuelle, en tout cas consciente. Le jeune se limite en général à
une première expérience en groupe, consentie le plus souvent pour
plaire à ses pairs. Certains vont plus loin, et seuls, dans
l'exploration de leur personne et il semble évident que tôt ou
tard, avec l'éveil de la sexualité et la métamorphose que subit
leur corps, la connexion avec l'érotisme s'opèrera inévitablement.
Dans la plupart des cas à la sensorialité hypoxique se substituera
une sexualité active, celle que l'on qualifie de "normale".
D'autres pourraient ne pas renoncer à la première et, à en juger
par l'âge de certaines victimes, ne plus les dissocier, tout du
moins dans l'intimité de leur jardin secret.
L'hypoxiphilie
s'inscrit en général dans un rituel complexe où certains auteurs
voient une actualisation de l'équation corps-phallus.
Lewin, BD – "The Body as Phallus" in The Psychoanalytic Quarterly, 2:24-47, 1933.Bunker HA – " Body as Phallus: A Clinico-Etymological Note" in Psychoanalytic Quarterly 12 : 476-480, 1943
Un certain
éonisme ou transvestisme est souvent associé à la strangulation :
faut-il y voir une appropriation de l'image de la femme désirée
mais inaccessible, autrement dit la mère ? Le bébé nourri au sein
associerait d'emblée suffocation et bien-être (accompagné d'un
réflexe gastro-urétral qui se traduirait en érection), comme la
douleur respiratoire induite par ses pleurs serait indéfectiblement
liée au bonheur de voir apparaître sa mère. La seconde séparation,
celle de l'adolescence, réactiverait la première : le "suffoquer
un peu pour survivre" du nourrisson deviendrait le "suffoquer
un peu pour devenir sexuel" de l'adolescent.
Resnik HLP – "Erotized repetitive hangings: a form of self-destructive behavior" in American Journal of Psychotherapy, vol. 26, 1, 1972, pp 4-21
Pour d'autres, en
"survivant" au rituel, à la mort théâtrale, l'individu
émerge, peu à peu, comme sexuellement gratifié et physiquement
intact avec un sentiment de soulagement, de triomphe et de
mépris/ressentiment vis-à-vis d'une figure féminine impérieuse et
indifférente : "vous pensez que je suis mort pour vous, mais en
fait je vous ai tuée".
Les rituels, toutefois, sont loin d'être immuables et il semble que les mises-en-scène évoluent généralement dans le sens d'une plus grande élaboration.Sterba R – On spiders, hanging and oral sadism in Am Imago. 1950 Mar; 7(1):21-8.
L'hypoxiphilie est-elle un syndrome ?
Bien que l'hypoxiphilie, devenue entité clinique en
1952, ait reçu la dénomination scientifique de "asphyxie
sexuelle" en 1968, aucun terme ne s'impose vraiment, comme si ce
qu'il désigne était trop dérangeant pour entrer dans la réalité
quotidienne. La tendance, par ailleurs, est d'en faire une
perversion liée au sado-masochisme, bien qu'il ne s'agisse guère
que de diminuer l'apport d'oxygène au cerveau tout en étant engagé
dans une activité sexuelle egocentrée ou une production débridée
de fantasmes.
Le Manuel de diagnostic et statistique des troubles mentaux (DSM), dans sa 4è édition (1994), classe ce syndrome clinique comme une paraphilie.
Comment le manque d'oxygène, qui fait souffrir nos
cellules nerveuses si gourmandes et si dépendantes de l'air
environnant puisqu'elles n'ont aucun dispositif de stockage, pourquoi
ce défaut d'oxygène suscite-t-il une telle sensation de bien-être
(c'est finalement l'étymologie du mot "euphorie") ? Se
pourrait-il que l'exaltation soit liée au flux de glutamates que
libèrent les cellules nerveuses mourantes ? Si l'on en croit ceux
qui ont ajouté l'excitation sexuelle à l'euphorie hypoxique, cette
combinaison est sensoriellement plus intense que la somme de ses
parties.
On ne sait presque rien de sûr en fait d'étiologie ou sur
la manière dont des individus largement dispersés géographiquement
apprennent cette pratique (incident, imitation, suggestion ?), mais
l'on sait que certains "amateurs" manifestent très tôt
une grande prédilection pour les liens en général.
Combien s'engagent dans
cette expérience sensorielle ?
Le halo de secret entourant les
pratiques d'hypoxiphilie compromet incontournablement les tentatives
d'établir des statistiques.
Le ratio entre victimes mâles et femelles est de 50 pour 1, mais les femmes pourraient être plus prudentes. On estime entre 250 et 1200 le nombre annuel de décès aux États-Unis, c'est dire comme ces chiffres sont imprécis.
On ne peut même pas penser à se
fonder sur les certificats de décès car la plupart du temps les
équipes de secours pénètrent dans un lieu aseptisé. La famille ou
les proches, on le comprend, s'emploient à effacer les traces de ce
qui est arrivé. Il y en a qui préfèrent que l'on pense que leur
enfant était suicidaire plutôt que sexuellement aventureux, que
leur conjoint est mort volontairement de mal de vivre plutôt qu'en
quête de plaisir, accidentellement. Il arrive ainsi que la famille,
bouleversée par la nature indescriptible de la mort, fasse pression
sur les autorités pour que le décès soit enregistré comme
suicide, somme toute une mort "normale".
Comment évaluer
en outre le nombre de cas où tout se passe bien ? Famille, proches
n'en ont pas la moindre idée et les médecins, pour la plupart, ne
connaissent pas ou mal l'hypoxiphilie, ne sont pas habitués ou ne
pensent pas à en déceler les signes.
Quels risques, quelle
sécurité possible ?
Dans la littérature la mort est réputée
arriver généralement en raison d'une panne du dispositif de
sécurité. Le mécanisme est tel que la constriction est fonction de
l'état conscient. Par exemple, une corde est placée sur des poulies
et la main tient l'extrémité libre de sorte qu'en cas de perte de
connaissance la main lâche la corde et libère la tension. La
complexité de certains dispositifs va de pair avec la sophistication
du rituel. La solution du partenaire est très peu adoptée, le tabou
a la vie dure. La présence d'un autre diminue sûrement le risque de
mort, surtout si l'autre a suivi des cours d'anatomie et de
réanimation. Mais dans l'état actuel du savoir médical l'imminence
d'un arrêt cardiaque n'est pas détectable ni la réanimation
toujours sûre. L'hypoxiphile risque fort, en mourant, de laisser son
partenaire, légalement, sinon dans de mauvais draps du moins dans
l'obligation de prouver son innocence. Pour ne rien dire des dégâts
affectifs.
Le risque est-il un facteur d'attraction ? Sans doute,
mais la plupart des hypoxiphiles se protègent le cou. C'est
d'ailleurs un des critères retenus par les médecins légistes pour
poser leur diagnostic.
À quel contrôle de la situation se fier si
le désir de désinhibition est irrésistible ? L'hypoxiphile
imagine-t-il seulement qu'un tiers, à son corps et son coeur
défendants, puisse devoir s'immiscer dans la sphère privée la plus
intime ? Qui ce tiers inquiet a-t-il des chances d'être ? Mère,
épouse, fils ?
Que nous apprend l'histoire de la médecine sur la légendaire érection
des pendus ?
En
médecine comme ailleurs, parfois, il n'est pas de bon ton, sinon
politiquement incorrect, d'appeler un chat un chat. En témoignent
toutes sortes de prudences, comme l'absence de mot précis pour
désigner les pratiques d'hypoxyphilie. On parle de "scarfing"
– un dérivé de "scarf" (foulard) donc "foulardage"
–, d'asphyxiophilie, d'asphyxie auto-érotique, de strangulation
sexuelle, de respiration suffoquée (oxymore), de rétention du
souffle.
Le premier à s'interroger dans un écrit sur la question
de l'érection des pendus est Alexandre Brierre de Boismont
(1797-1881).
Du suicide et de la folie suicide considérés dans leurs rapports avec la statistique, la médecine et la philosophie, Paris 1856
Il analyse 790 asphyxies par strangulation et
suspension (décrits du reste comme des suicides). Un homme sur dix
est trouvé en érection d'après les procès-verbaux, dans
deux cas elle n'est constatée que dix heures après la strangulation
et dans un autre elle persiste pendant cinq jours. Une éjaculation
étant observée en même temps qu'une évacuation de l'urine et des
matières fécales une fois sur sept, Boismont se demande si cette
disposition tient à un spasme ou à un relâchement des sphincters.
Il note que quelques pendus rappelés à la vie déclarent avoir vu
"comme un éclair leur passer devant les yeux" et avoir
senti leurs jambes d'une "pesanteur extrême". Aucun ne
fait allusion à l'état de ses organes génitaux et plusieurs
affirment avoir perdu à l'instant même tout sentiment de
l'existence.
Quelques années plus tard, le professeur Johann Ludwig
Casper (1796-1864) déclare sans état d'âme que
plus il observe de strangulés, plus il se convainc que cette thèse qui a envahi la médecine légale et qui a été copiée d'un livre dans un autre est contraire à l'expérience ...
Practisches Handbuch der gerichtlichen Medicin, Berlin 1871traduit "sous les yeux de l'auteur" par Gustave Germer Baillière – Traité pratique de médecine légale rédigé d'après des observations personnelles, Paris 1862
J'ai toujours examiné avec soin l'état des parties génitales et n'ai jamais vu d'érection... Parfois une demi-érection, mais c'est là un fait trop rare et trop peu prononcé pour mériter la peine d'être noté... On pourrait croire qu'il y a toujours érection si l'on trouvait toujours éjaculation de sperme, ce qui n'arrive pas."
Et Casper se moque de son
confrère Devergie qui
qualifie les taches de sperme sur le linge des pendus comme très fréquentes, quoiqu'il avoue n'avoir jamais vu, lui non plus, ni une érection ni une demi-érection sur le cadavre". Et de mettre en doute la fraîcheur des taches observées : "était-ce bien du sperme ?
Érection réflexe ou
spontanée, sans caractère sexuel
Rapportant ses expériences sur le
contenu de l'urètre, Casper déclare avoir trouvé des
spermatozoïdes chez des hommes morts subitement, tués par armes à
feu, empoisonnés à l'acide prussique, noyés etc. et ironise On
ne peut pas admettre que tous ces hommes aient exercé le coït un
instant avant la mort !. Quant au pendant féminin il
s'esclaffe Quelle valeur peut avoir la présence d'humidité
dans le vagin! et conclut catégoriquement que l'état des
organes génitaux n'est caractéristique ni de la pendaison ni de la
strangulation.
Gabriel Tourdes (1810-1900) toutefois
Traité de médecine légale théorique et pratique, Paris 1896
observe que, pendant
la période convulsive et par action réflexe, une érection et assez
souvent une éjaculation se produisent. La connaissance étant alors
absolument abolie, tout indique l'absence de sensation
voluptueuse.
La psychanalyste Marie Bonaparte (1882-1962)
Edgar Allen Poe. Étude psychanalytique (avant-propos de S. Freud), Paris 1933
s'intéresse à la question des sensations voluptueuses associées à
la constriction du cou et se demande pourquoi Edgar Poe, dans une nouvelle
intitulée Loss of Breath (perte d'haleine), soumet son
héros au supplice de la pendaison. Elle rappelle que la renommée de
ce châtiment est identique quels que soient les climats et les
temps et inscrit dans cet inconscient collectif l'origine du mythe de
la mandragore, racine à forme vaguement humaine censée pousser au
pied des gibets. Or le personnage de Loss of Breath est
impuissant car il a subi une multi-castration viscérale symbolique.
L'idée de la pendaison correspondrait, chez Poe, à une
protestation, à une "revanche de l'inconscient de Poe se
réattribuant le phallus" : J'entendais mon coeur battre
avec violence, les veines de mes mains et de mes poignets gonflaient
presque à éclater ; mes tempes battaient en tempête et je sentais
que mes yeux sortaient de leurs orbites, allusion inconsciente
à l'érection.
The protagonist in “A Loss of Breath” lost the ability to breathe (yet somehow stayed alive and could talk) after throttling his wife and yelling at her, and ended up hanged and then eviscerated. |
La suite ici