D'entrée de jeu




Dans le meilleur des cas on les appelle "jeux d'évanouissement" et dans le pire "jeux de désoxygénation", comme si ce mot semblant scientifique (semblant seulement car il suppose que son antonyme, "oxygénation", soit un acte conscient et non un réflexe physiologique) traduisait la réalité de ce qu'ils font. Le "jeu du foulard", terme anodin (et ambigu) plébiscité par les jeunes relayant les médias ou relayés par ceux-ci, n'est certes pas une nouveauté, bien que cette désignation le soit, tout autant que d'autres, insolites et déroutantes comme "rêve indien", "cosmos" ou "jeu de la grenouille". Le moins que l'on puisse dire est que les nouveaux moyens de communication ont privé de clandestinité et comme banalisé, sinon rendu anodines, des pratiques variées qui ont en commun la recherche de l'hypoxie cérébrale.
Et de la sensation d'euphorie qui l'accompagne.


Est-il raisonnable d'accuser Internet de favoriser l'expansion d'activités mettant à mal le corps d'enfants dont, par ailleurs, maintes mesures en matière de Santé publique visent à protéger l'intégrité et à favoriser le développement optimum ? Pourquoi l'existence de ces activités est-elle encore ignorée de nombre de médecins, infirmiers, enseignants et agents chargés de la sécurité publique ? 
Comment, à défaut de pouvoir jamais contrôler la marée internautique, transmettre une information critique et rigoureuse qui demeure le meilleur garant contre les chimères, les manipulations et autres (à la lettre) éblouissements ? 
Ceux qui se livrent à ces pratiques, délibérément ou sous la pression du groupe, voire sous emprise, ont-ils seulement conscience de la gravité de l'enjeu non seulement pour eux, mais aussi pour leurs proches et, de là, pour la société tout entière?
Car il arrive que l'on en revienne mal. Parfois aussi on n'en revient pas.


Le concept de point de non-retour a son origine dans l'industrie aéronautique. Il correspond à une distance telle du point de départ que, franchissant ce point, le pilote cesse d'avoir assez de kérosène pour revenir. C'est donc le point au-delà duquel force est de continuer sur sa lancée car tout retour est physiquement impossible.
Et que sera sera.
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Mais si continuer sur sa lancée signifiait courir à coup sûr à sa perte ?
Que se passerait-il si on le savait ?
Ce savoir-là ne mettrait-il pas le point de non-retour dans une perspective bien différente ?
Ne deviendrait-il pas alors une menace sans précédent ?
Pourquoi hésitons-nous, héritiers lointains des Lumières, à nous affranchir des tabous/châtiments obsolètes, des vieux interdits/transgressions ? Alors que le droit, indéniablement, a affaibli les moyens d'abuser d'autrui, qu'avons-nous à craindre du par-delà bien et mal ?